mercredi, avril 29, 2015

LIGUE DE CHAMPAGNE-ARDENNE : Antoine LAMOUR...quand tu nous tiens !!

Par Eric WIROTIUS-BELLEC archivé dans , , , , ,

Publié le 29/04/2015 - Pas une semaine sans que l'arbitrage ne soit pointé du doigt en France. Pourtant, des jeunes comme Antoine, 19 ans, grimpent les échelons fédéraux avec un jour, l'objectif d'arbitrer en Ligue 1.

Découverte

«Quand tu parles de l’arbitrage à un footballeur, pour lui, on est des charlots, on passe pour des clowns. Et quand tu dis à quelqu’un que tu es arbitre, il rigole !» La France compte 23 365 arbitres, toutes divisions confondues, selon la Fédération française de football. Chaque week-end, de la Ligue 1 aux petites sections de district, ils prennent leur sifflet pour assouvir leur passion. Car oui, être arbitre est une passion.

Antoine, 19 ans, arbitre de la Ligue Champagne-Ardenne a fait le choix, il y a cinq ans, de devenir arbitre. Une fonction qu’il a découverte et qu’il a commencé à apprécier lors du tournoi annuel de son petit club de Muizon, à quelques kilomètres de Reims, dans la Marne. «J’ai joué arrière gauche jusque 16 ans. Je jouais le samedi et j’arbitrais le dimanche. Mais ensuite, quand tu es arbitre et que tu arrives au niveau Ligue, on te fait choisir entre jouer ou arbitrer. Je n’évoluais pas à un super niveau alors j’ai décidé de me consacrer pleinement à l’arbitrage.»

Des circulaires jusqu'au Stade de France, un long périple

«Tu penses avoir fait un bon match, tu attends ses commentaires, et, parfois, le mec te passe un savon, c'est brutal»

Le début d’une grande aventure car on ne devient pas si facilement arbitre. «Tu démarres par six mois de cours où tu as un tas de circulaires à apprendre, un peu comme en droit. Ensuite, tu peux prétendre passer le concours théorique. Là, on te pose vingt questions sur les lois du jeu. Après, tu as la pratique avec une observation et tu es nommé jeune arbitre stagiaire.» Au fur et à mesure, des tests et encore des tests à effectuer pour gravir les échelons, jusqu’à arriver au concours JAF, jeune arbitre de la fédération, le graal.
«C’est le plus haut niveau où tu peux être en arbitrage jeune. Tu peux arbitrer des compétitions de U17 et U19 nationaux et la Gambardella. L’objectif : c’est de siffler la finale de la Gambardella au Stade de France.»



Un concours qu’Antoine a récemment obtenu après un concours écrit assez poussé : au menu, des dissertations sur l’arbitrage en général et sur les lois du jeu. «On te demande, par exemple, s’il serait utile de mettre l’arbitrage vidéo ou de détailler ce que tu sais de la surface de réparation.»

Et la Ligue 1 est encore loin ! S’il suit le parcours d’un Clément Turpin, arrivé très jeune dans le monde professionnel, Antoine a encore au moins six saisons à effectuer. Le prochain concours est dans trois ans pour pouvoir diriger des rencontres de CFA ou de CFA2. Ensuite, chaque année, c’est un classement qui définira qui monte, qui descend ou qui reste dans sa division. «Franchement oui, c’est vraiment long. Tu es impatient !» Il faut savoir accepter la critique des observateurs qui viennent vous évaluer. «Tu penses avoir fait un bon match, tu attends ses commentaires, et, parfois, le mec te passe un savon, c’est brutal. Après, le retour chez soi est difficile.»

«Ça devient comme une drogue»

Mais qu’est-ce qui motive alors ce jeune arbitre, désireux de faire une carrière de gendarme, mais qui a décidé de suivre des études de Staps afin d’avoir plus de chance de percer dans l’arbitrage ? «Quand tu as un arbitre de L1 qui te raconte ses expériences, ça te met l’eau à la bouche. J’ai commencé à un bas niveau, je n’aurais jamais cru faire tout ce que j’ai fait, je suis allé arbitrer une finale à Clairefontaine. Tu y prends goût ! Ça devient comme une drogue, tu as toujours envie d’aller chercher plus haut. Je suis arbitre, je n’ai rien à gagner dans un match, mais j’ai l’esprit très compétitif.»

Son mental a dû l’aider. On ne se le cachera pas, diriger une rencontre en amateur n’est pas des plus simples. Entre les tacles sur le terrain, un entraîneur agité sur le banc et des supporters jamais avares d’un petit mot doux, il doit avoir les nerfs solides. «Les insultes, oui, c’est fréquent. Mais ce sont surtout les spectateurs, les parents. Tu fais abstraction parce qu’ils ne sont pas sur le terrain. Ça ne met arrivé qu’une seule fois de me faire insulter par un joueur. Au début, c’est très dur, ça peut très vite faire sortir certains arbitres de leur match. Je ne suis pas un expert de l’arbitrage, mais j’arrive à rester concentré.» Mais depuis cinq ans qu’il foule les pelouses de sa région, Antoine n’a jamais pensé à arrêter. «Quand tu commences en district, c’est le bordel, les matches sont assez hachés donc il y a beaucoup de travail. Il y a énormément d’arbitres qui ont passé le concours, qui ont fait un ou deux ans et qui ont arrêté lorsqu’ils se sont rendus compte de la pression que c’est. Aujourd’hui, il manque beaucoup d’arbitres, notamment au niveau district. Parfois, en région parisienne, le climat pèse tellement… Les entraîneurs sont capables de te mettre dans des situations critiques. Quand tu es arbitre, il faut accepter les remarques et ne pas être trop sûr de soi. Le mental est très important. L’arbitre reste un bouc émissaire.»


À la recherche d'une crédibilité

Et ce ne sont pas les Ennjimi, Buquet, Turpin ou Varela qui diront le contraire. Mais pour notre jeune arbitre, pas grand monde ne les aide aujourd’hui. «Les gens ne retiennent que les erreurs. On ne dit jamais qu’un arbitre a fait un bon match. Les médias sont là pour s’en occuper. Regardez au Canal Football club, (Pierre) Ménès s’en charge. J’ai déjà rencontré Saïd Ennjimi, Amaury Delerue ou Anthony Gautier, ils savent qu’ils vont en prendre pour leur grade.» De là à ce que ces hommes en noir se remettent plus souvent en question, pas tellement. «Turpin la fait cette année quand il a envoyé une lettre pour s’excuser de son carton rouge à Imbula contre le PSG, se souvient Antoine. Mais ils ne peuvent pas faire ça à chaque fois, sinon ils ne sont plus crédibles. Il faut savoir accepter l’erreur.»

Pour ça, la goal line technology devrait donner un coup de pouce aux arbitres français à la rentrée. «J’étais plutôt pour mais je ne suis pas du tout favorable à l’arbitrage vidéo. Ça remet en cause l’arbitre, il est déresponsabilisé.» Entre ce climat pesant et l’adrénaline d’une rencontre sifflet en bouche, Antoine a choisi. Il fera tout son possible pour arriver chez les pros et pourquoi pas un jour, arbitrer en Ligue 1, en Ligue des champions, voire en Coupe du monde. Et ne plus passer pour un charlot.

Source : FRANCE-FOOTBALL