mardi, octobre 07, 2014

René GIRARD : Portrait et Auto-portrait de l'entraîneur du LOSC

Par Eric WIROTIUS-BELLEC archivé dans , , , ,

Colérique, exigeant, parano, méchant, entier... Les qualificatifs entourant l'entraîneur de Lille René Girard sont nombreux. Mais derrière les coups de gueule, qui est-il vraiment ?   

Entre une joute verbale par médias interposés avec Pierre Ménès et un rapport tendu avec le corps arbitral, René Girard vit un début de saison agité. L’entraîneur du LOSC a été expulsé pour la deuxième fois de la saison dimanche à Lyon (0-3) pour avoir interpellé l’arbitre assistant après l’ouverture du score d’Alexandre Lacazette. Ces sanctions nourrissent la mauvaise réputation du technicien, sacré champion de France en 2012 avec Montpellier. Son fils et adjoint, Nicolas Girard, un de ses amis, Jacques Vendroux, ainsi qu’un professionnel de la psychologie sportive viennent éclairer le personnage.

Un homme «entier» et «excessif»

Jacques Vendroux (ami de René Girard et directeur des sports de Radio France) : «Le problème, c’est que René, c’est un mec entier. C’est un mec fidèle en amitié, excessif, intransigeant avec lui comme avec les autres. Aussitôt qu’il y a la moindre embrouille, il ne le supporte pas. Il a un rapport affectif avec tous les gens qu’il aime et avec qui il travaille. Un affectif est toujours excessif.»
Nicolas Girard (fils et adjoint de René Girard) : «Il y a un personnage public, une image qu’il transmet sans qu’on sache qui il est vraiment. Dans la vie de tous les jours, c’est autre chose, c’est beaucoup plus approfondi, c’est plus nuancé. Avec l’homme public, on ne rentre pas dans les détails. On ne cherche pas à comprendre pourquoi il y a telle ou telle réaction.»
François Ducasse (coach mental) : «C’est un peu comme ces gens timides, qui, quand ils se fâchent, sont des ouragans. C’est probablement un hyper sensible ; il a du mal à se contrôler. Quand c’est la compétition, le loup en lui se réveille.»
Ce qu’en dit René Girard lui-même* : «Faire semblant, je n’y arrive pas. On me l’a souvent reproché. Serrer la main avec le sourire en pensant : “Va te faire enc...”, je ne sais pas faire.»

Le polémiste

Jacques Vendroux : «(Quand Girard fait des déclarations) c’est parce qu’il le pense ! René, il dit la vérité, même quand elle est difficile à entendre. Ce n’est pas du tout calculateur. Il est nature. Avec lui, vous partez à la guerre. Vous avez des rapports d’homme, vous pouvez compter sur lui. En revanche, il me fait penser à Michel Platini, c’est-à-dire qu’il aime ou il n’aime pas. Et là, le mec le sait, il comprend. Il change ou il ne change pas. S’il ne change pas, il est mort.»
Nicolas Girard : «Quand il est sur un terrain, il endosse le costume de compétiteur, c’est ce qui fait parfois polémique autour de sa personne. Il ne joue pas, il est sincère dans tout ce qu’il fait. Après, c’est sûr qu’il y a des maladresses, mais il ne calcule pas. Il ne cherche pas à savoir. C’est de l’impulsion (…) C’est quelqu’un de très clivant, de controversé. Il a des périodes où il arrive à se maîtriser et d’autres moins, c’est un être humain. Actuellement, c’est une période où on joue énormément de matches, on enchaîne, on est très fatigués ; les joueurs, nous, on est moins lucides.»
Ce qu’en dit René Girard lui-même* : «La télé a changé notre métier. On voit tout, maintenant. Et ça nourrit la polémique. Mais, la polémique, on l’entretient avec qui on veut. Je suis dans une catégorie de gens qui font la polémique dès qu’ils éternuent. Dès que je fais ou que je dis quelque chose, ça devient : “C’est n’importe quoi, c’est Girard, on le connaît.”»

Paranoïaque ?

Jacques Vendroux : «C’est la vérité, il paye les tampons qu’il a mis comme joueur, il paye son côté espiègle sur le banc. Les arbitres le connaissent, le surveillent. Ils ne vont pas surveiller Gourvennec, Blanc ou Jardim. Ils vont surveiller ceux qui peuvent se mettre en colère à n’importe quel moment.»
Nicolas Girard : «Son ressenti est certainement vrai. Il est en Ligue 1 depuis six ans, les arbitres commencent à le connaitre. C’est un peu un cercle vicieux. Certains vous diront qu’il est plus surveillé parce qu’il le mérite plus que les autres. Je ne pense pas que ce soit le nœud du problème, mais ça peut-être problématique à terme si les choses n’évoluent pas dans le bon sens.» 
Ce qu’en dit René Girard lui-même* : «Je ne suis pas parano quand je dis que je suis plus surveillé que d’autres par les arbitres. Je ne dis pas qu’ils m’en veulent, mais quand je monte à la commission de discipline (de la LFP), je reviens avec le panier un peu plus plein qu’un autre. Je l’ai peut-être mérité aussi... Mais j’essaye de faire comprendre que je ne suis pas que ça.»

Son rapport à son image

Jacques Vendroux : «Son image il s’en fout complètement. C’est René Girard, il a fait une magnifique carrière de joueur, il fait une bonne carrière d’entraîneur (…) C’est quelqu’un de très recherché.»
Nicolas Girard : «Est-ce qu’on peut se foutre complétement de l’image qu’on véhicule quand on est quelqu’un d’exposé, surtout quand ce n’est pas l’image qu’on veut renvoyer, que c’est ce qu’on n’est pas réellement ? L’important pour lui est d’être reconnu et aimé par ses proches. Je ne pense pas qu’il s’en foute, mais son image n’est pas le plus important à ses yeux.»
Ce qu’en dit René Girard lui-même* :  «Oh oui, j’arrive à me détacher de mon image sinon je me serais jeté du pont du Gard il y a longtemps ! J’essaye de gommer le négatif, mais se refait-on complètement dans une vie ? Je ne pense pas.»

Changera-t-il ?

François Ducasse : «Il faudrait savoir s’il pense que ça nuit à son métier ? Pourquoi il n’évolue pas ? Soit il considère qu’il est bien comme ça, soit il est dans le déni. Quand je coache des gens comme ça, je leur dis : de toute façon, vous ne changerez pas, c’est votre caractère. Par contre, vous pouvez faire des petits ajustements. Par exemple, quand il sent qu’il est fou de rage, qu’il diffère le moment où il va s’exprimer.»
Nicolas Girard : «Il a 60 ans, il ne va pas se refaire à cet âge. Il cherche à s’améliorer sur certains points, mais quelque part, il ne se reniera pas. Je pense qu’il essaie de corriger certaines choses, mais c’est quelqu’un d’impulsif, l’impulsion est difficilement contrôlable, surtout à l’âge qu’il a. Il ne va pas se refaire à 60 ans.»
Ce qu’en dit René Girard lui-même* : «On ne me changera jamais. C’est grâce à ce caractère que je suis devenu ce que je suis, que des gens m’ont fait confiance, m’ont inspiré, comme Michel (Hidalgo), Kader (Firoud) ou Aimé (Jacquet). Je ne suis pas plus con qu’un autre mais je n’emploie peut-être pas toujours le bon moyen pour le faire savoir. Quoi que je fasse, je ne serai jamais un gentil.»

*Propos recueillis par L’Équipe le 18 octobre 2012

Source : L'EQUIPE