Publié le 04/02/2015 - Philippe Malige : « Nous aimerions bien avoir, nous, arbitres, la même sollicitude que celle dont bénéficient les joueurs »
Après 30 ans de carrière en tant qu’arbitre de football, Philippe Malige a donné ses derniers coups de sifflet d’arbitre professionnel à l’occasion d’Istres- Bastia, le 18 mai 2012. La faute à un règlement qui exige d’arrêter d’exercer ce métier en tant que professionnel au-delà de 45 ans. Devenu depuis observateur des arbitres, le natif de Nîmes est revenu, en brisant certaines idées reçues, sur les différents aspects d’un métier finalement méconnu du grand public. Entretien passionnant avec un homme qui a le foot et l’arbitrage dans le sang.
Vous sortez d’une carrière de 30 ans en tant qu’arbitre. Avec le recul comment jugez-vous l’évolution de votre profession à travers ces décennies ?
C’est la professionnalisation du métier qui me vient en premier à l’esprit. J’ai fait trois saisons en Ligue 2 et huit saisons en Ligue 1. Nous étions dès le début déjà sérieux dans notre manière de préparer nos matches de notre côté, ce n’était pas du « tourisme ». Mais, depuis quelques années, la fonction s’est davantage professionnalisée et structurée. Tout un staff a été constitué autour des arbitres d’élite (médecin, kinés, préparateur physique, manager). La revalorisation des indemnités, a permis aux arbitres de mieux se consacrer à leur activité sportive. Parallèlement à cela, les obligations ont également augmenté (stages, tests physiques, réunions régulières, etc.). Cela a été progressif, nous ne sommes pas passés du néant à tout d’un seul coup. Je dirais que ce changement remonte à peu près à sept ou huit ans.
Quelle approche psychologique aviez-vous avec les joueurs ?
J’essayais d’être proche des joueurs et de privilégier la communication quand c’était possible. Après, l’approche psychologique dépend des arbitres mais également des joueurs. Il y a des joueurs avec qui on peut parler et d’autres moins. On adapte notre communication à la personne que l’on a en face de nous.
Est-ce que vous pensez que le fait que certains collègues soient encore dans le rapport de force avec les joueurs ne dessert pas, au final, l’image de l’arbitre et l’indulgence qui va avec ?
J’ai tout de même l’impression que le fait de chercher la communication se développe de plus en plus avec des mea culpa ou des choses qui vont dans ce sens. Maintenant que je suis devenu observateur, je vois la plupart du temps des arbitres qui échangent avec les joueurs ou qui ont des sourires avec eux. Mais, cela dépend des joueurs, de l’arbitre, des circonstances etc…Les arbitres, comme les joueurs, ont tout intérêt à communiquer.
Après 30 ans de carrière en tant qu’arbitre de football, Philippe Malige a donné ses derniers coups de sifflet d’arbitre professionnel à l’occasion d’Istres- Bastia, le 18 mai 2012. La faute à un règlement qui exige d’arrêter d’exercer ce métier en tant que professionnel au-delà de 45 ans. Devenu depuis observateur des arbitres, le natif de Nîmes est revenu, en brisant certaines idées reçues, sur les différents aspects d’un métier finalement méconnu du grand public. Entretien passionnant avec un homme qui a le foot et l’arbitrage dans le sang.
Vous sortez d’une carrière de 30 ans en tant qu’arbitre. Avec le recul comment jugez-vous l’évolution de votre profession à travers ces décennies ?
C’est la professionnalisation du métier qui me vient en premier à l’esprit. J’ai fait trois saisons en Ligue 2 et huit saisons en Ligue 1. Nous étions dès le début déjà sérieux dans notre manière de préparer nos matches de notre côté, ce n’était pas du « tourisme ». Mais, depuis quelques années, la fonction s’est davantage professionnalisée et structurée. Tout un staff a été constitué autour des arbitres d’élite (médecin, kinés, préparateur physique, manager). La revalorisation des indemnités, a permis aux arbitres de mieux se consacrer à leur activité sportive. Parallèlement à cela, les obligations ont également augmenté (stages, tests physiques, réunions régulières, etc.). Cela a été progressif, nous ne sommes pas passés du néant à tout d’un seul coup. Je dirais que ce changement remonte à peu près à sept ou huit ans.
Quelle approche psychologique aviez-vous avec les joueurs ?
J’essayais d’être proche des joueurs et de privilégier la communication quand c’était possible. Après, l’approche psychologique dépend des arbitres mais également des joueurs. Il y a des joueurs avec qui on peut parler et d’autres moins. On adapte notre communication à la personne que l’on a en face de nous.
Est-ce que vous pensez que le fait que certains collègues soient encore dans le rapport de force avec les joueurs ne dessert pas, au final, l’image de l’arbitre et l’indulgence qui va avec ?
J’ai tout de même l’impression que le fait de chercher la communication se développe de plus en plus avec des mea culpa ou des choses qui vont dans ce sens. Maintenant que je suis devenu observateur, je vois la plupart du temps des arbitres qui échangent avec les joueurs ou qui ont des sourires avec eux. Mais, cela dépend des joueurs, de l’arbitre, des circonstances etc…Les arbitres, comme les joueurs, ont tout intérêt à communiquer.
Est-ce que des mesures concrètes vont dans ce sens ?
Il y a une vraie tendance à ce que les arbitres communiquent encore plus. Ils vont avoir des cours de Media Training. L’arbitrage s’ouvre à l’extérieur. Dans le passé, certaines initiatives prisent par l’arbitrage n’ont pas été relevées par les joueurs ou entraineurs. On n’est pas tout blanc ou tout noir. L’arbitrage a parfois tendance à se replier sur lui-même mais certaines initiatives des arbitres n’ont pas eu d’échos de l’autre côté.
Certains entraîneurs justifient très régulièrement les performances de leur équipe par des décisions arbitrales…
C’est un peu le cas. Nous aimerions bien avoir, nous, arbitres, la même sollicitude que celle dont bénéficient les joueurs auprès des supporters et des composantes du football pour un penalty raté ou un gardien qui s’est troué. Le problème quand il s’agit d’un arbitre, c’est que les critiques fusent parfois accompagnées de sous-entendus déplacés.
Pourtant, est ce que l’essence même du métier d’arbitre n’est pas l’appréciation ?
C’est indéniable…Et souvent ingrat ! Tout le monde se félicite lorsqu’on décide de sanctionner durement les tricheries mais les mêmes personnes crient au scandale lorsque ces sanctions s’appliquent à leur propre équipe. Cela a été notamment le cas lorsque nous avions eu comme consigne de sanctionner davantage les tirages de maillots dans les surfaces de réparation.
C’est donc sans issue ?
Non, il faut continuer d’aller vers les joueurs. Depuis ma « retraite » je fais partie du club d’Uzès Pont du Gard, qui évolue en National, et je suis proche des joueurs, j’essaie de les sensibiliser sur l’arbitrage, la psychologie etc…C’est un travail de longue haleine qui devrait se généraliser dans tous les clubs, dès le plus jeune âge. Il y a par exemple des journées où les arbitres de L1 et L2 vont passer une journée dans les clubs pros avec les joueurs mais ce n’est qu’un jour par an et c’est peu. Il est vrai aussi que les clubs professionnels n’ont pas forcément le temps de s’occuper d’arbitrage et de lois du jeu car ils ont d’autres préoccupations.
Arriviez-vous à prendre de la distance lorsque vous faisiez des erreurs d’arbitrage ?
Quand on est arbitre, à n’importe quel niveau que ce soit, c’est qu’on est « épris de justice ». Nous sommes là pour que tout se passe bien et ne pas faire d’erreurs. Si nous en faisons une et qu’elle influence le résultat final, nous n’avons pas besoin de la presse pour être malheureux. Tout prend encore plus d’impact si cela touche à un club fortement médiatisé. Dans les cas extrêmes il y a des menaces des supporters. A titre personnel, je passais une mauvaise nuit sans dormir. La force d’un arbitre de haut niveau réside dans sa faculté à faire le vide au bout de deux trois jours. Je pense que n’importe quel arbitre de niveau Ligue 2 ou National a la capacité « technique » d’arbitrer un match de Ligue 1. La différence se fait au niveau du mental et à la capacité d’enchaîner les performances, semaine après semaine.
Il y a une vraie tendance à ce que les arbitres communiquent encore plus. Ils vont avoir des cours de Media Training. L’arbitrage s’ouvre à l’extérieur. Dans le passé, certaines initiatives prisent par l’arbitrage n’ont pas été relevées par les joueurs ou entraineurs. On n’est pas tout blanc ou tout noir. L’arbitrage a parfois tendance à se replier sur lui-même mais certaines initiatives des arbitres n’ont pas eu d’échos de l’autre côté.
Certains entraîneurs justifient très régulièrement les performances de leur équipe par des décisions arbitrales…
C’est un peu le cas. Nous aimerions bien avoir, nous, arbitres, la même sollicitude que celle dont bénéficient les joueurs auprès des supporters et des composantes du football pour un penalty raté ou un gardien qui s’est troué. Le problème quand il s’agit d’un arbitre, c’est que les critiques fusent parfois accompagnées de sous-entendus déplacés.
Pourtant, est ce que l’essence même du métier d’arbitre n’est pas l’appréciation ?
C’est indéniable…Et souvent ingrat ! Tout le monde se félicite lorsqu’on décide de sanctionner durement les tricheries mais les mêmes personnes crient au scandale lorsque ces sanctions s’appliquent à leur propre équipe. Cela a été notamment le cas lorsque nous avions eu comme consigne de sanctionner davantage les tirages de maillots dans les surfaces de réparation.
C’est donc sans issue ?
Non, il faut continuer d’aller vers les joueurs. Depuis ma « retraite » je fais partie du club d’Uzès Pont du Gard, qui évolue en National, et je suis proche des joueurs, j’essaie de les sensibiliser sur l’arbitrage, la psychologie etc…C’est un travail de longue haleine qui devrait se généraliser dans tous les clubs, dès le plus jeune âge. Il y a par exemple des journées où les arbitres de L1 et L2 vont passer une journée dans les clubs pros avec les joueurs mais ce n’est qu’un jour par an et c’est peu. Il est vrai aussi que les clubs professionnels n’ont pas forcément le temps de s’occuper d’arbitrage et de lois du jeu car ils ont d’autres préoccupations.
Arriviez-vous à prendre de la distance lorsque vous faisiez des erreurs d’arbitrage ?
Quand on est arbitre, à n’importe quel niveau que ce soit, c’est qu’on est « épris de justice ». Nous sommes là pour que tout se passe bien et ne pas faire d’erreurs. Si nous en faisons une et qu’elle influence le résultat final, nous n’avons pas besoin de la presse pour être malheureux. Tout prend encore plus d’impact si cela touche à un club fortement médiatisé. Dans les cas extrêmes il y a des menaces des supporters. A titre personnel, je passais une mauvaise nuit sans dormir. La force d’un arbitre de haut niveau réside dans sa faculté à faire le vide au bout de deux trois jours. Je pense que n’importe quel arbitre de niveau Ligue 2 ou National a la capacité « technique » d’arbitrer un match de Ligue 1. La différence se fait au niveau du mental et à la capacité d’enchaîner les performances, semaine après semaine.
Le parallèle avec la psychologie du footballeur est quasiment similaire finalement…
Tout à fait. Au sens général, l’arbitre est un sportif au même titre que le joueur. Il a les mêmes impératifs d’entrainement, d’hygiène de vie ou les difficultés de résistance à la pression. Les arbitres sont en compétition avec un classement de montée et descente à la fin de la saison. Le joueur, lui, peut être remplacé au bout de cinq minutes de jeu s’il fait une grosse tuile, ce qui n’est pas le cas de l’arbitre. En ce sens, les exigences mentales sont encore plus fortes. Sur le plan physique, des jeunes arbitres qui arrivent au haut niveau comme Nicolas Rainville, Clément Turpin ou Benoit Bastien seraient aussi bons voire meilleurs que la moyenne des joueurs s’ils devaient faire des tests physiques dans les clubs pros.
On parle d’indemnités proches de 2700 € par match de Ligue 1 et jusqu’à 45 000€ pour une finale de Coupe du Monde. Est-ce que ces chiffres sont bons ?
Je peux juste valider les chiffres relatifs à la Ligue 1 car ce sont ceux que je connais. Pour le reste, je suis désolé mais je n’ai pas eu la chance d’arbitrer une finale de Coupe du Monde donc je ne peux pas vous dire. Mais il faut prendre aussi en compte les 4 ou 5 entrainements par semaine, le travail qu’ils effectuent dans leur ligue, les stages sur Paris ou la gestion de leurs déplacements ainsi que les sacrifices professionnels et familiaux qu’ils sont amenés à faire. Tout ceci, selon moi, justifie ces émoluments. Ce sont les rémunérations des arbitres professionnels mais ces mêmes arbitres mettent de nombreuses années avant de devenir professionnel.
Ce sont quasiment les mêmes contraintes qu’un joueur mais pas les mêmes revenus…
Ce qui est tout à fait normal, car on a tous à conscience que les spectateurs viennent aux matches pour voir les joueurs, ce sont eux les vedettes, et non les arbitres ! En ce sens, les rémunérations sont justifiées. Ce n’est pas grand-chose si l’on compare nos salaires à ceux des joueurs mais c’est confortable comparé au commun des mortels. Le plus important est que les arbitres gagnent suffisamment pour se consacrer convenablement à leur profession. Enfin, précisons qu’en cas de rétrogradation en fin de saison, les revenus sont quasiment divisés par deux. Il y a 21 arbitres de Ligue 1 sur environ 26 000 en France.
Est-ce que système de montée et descente peut devenir obsédant à l’instar d’un cuisinier qui ne veut pas perdre son étoile ?
De mon point de vue, et je pense qu’il résume celui du corps arbitral en général : Non ! Un joueur ne pense pas tout de suite à sa prime de match lorsqu’il marque un but. Pour nous c’est pareil. Quand je rentrais sur un terrain, j’avais plaisir à rentrer avec les joueurs et m’imprégner de l’ambiance. C’était avant tout une passion et un plaisir. Je ne pense pas une seule seconde que cela puisse ne pas être le cas pour mes collègues.
Tout à fait. Au sens général, l’arbitre est un sportif au même titre que le joueur. Il a les mêmes impératifs d’entrainement, d’hygiène de vie ou les difficultés de résistance à la pression. Les arbitres sont en compétition avec un classement de montée et descente à la fin de la saison. Le joueur, lui, peut être remplacé au bout de cinq minutes de jeu s’il fait une grosse tuile, ce qui n’est pas le cas de l’arbitre. En ce sens, les exigences mentales sont encore plus fortes. Sur le plan physique, des jeunes arbitres qui arrivent au haut niveau comme Nicolas Rainville, Clément Turpin ou Benoit Bastien seraient aussi bons voire meilleurs que la moyenne des joueurs s’ils devaient faire des tests physiques dans les clubs pros.
On parle d’indemnités proches de 2700 € par match de Ligue 1 et jusqu’à 45 000€ pour une finale de Coupe du Monde. Est-ce que ces chiffres sont bons ?
Je peux juste valider les chiffres relatifs à la Ligue 1 car ce sont ceux que je connais. Pour le reste, je suis désolé mais je n’ai pas eu la chance d’arbitrer une finale de Coupe du Monde donc je ne peux pas vous dire. Mais il faut prendre aussi en compte les 4 ou 5 entrainements par semaine, le travail qu’ils effectuent dans leur ligue, les stages sur Paris ou la gestion de leurs déplacements ainsi que les sacrifices professionnels et familiaux qu’ils sont amenés à faire. Tout ceci, selon moi, justifie ces émoluments. Ce sont les rémunérations des arbitres professionnels mais ces mêmes arbitres mettent de nombreuses années avant de devenir professionnel.
Ce sont quasiment les mêmes contraintes qu’un joueur mais pas les mêmes revenus…
Ce qui est tout à fait normal, car on a tous à conscience que les spectateurs viennent aux matches pour voir les joueurs, ce sont eux les vedettes, et non les arbitres ! En ce sens, les rémunérations sont justifiées. Ce n’est pas grand-chose si l’on compare nos salaires à ceux des joueurs mais c’est confortable comparé au commun des mortels. Le plus important est que les arbitres gagnent suffisamment pour se consacrer convenablement à leur profession. Enfin, précisons qu’en cas de rétrogradation en fin de saison, les revenus sont quasiment divisés par deux. Il y a 21 arbitres de Ligue 1 sur environ 26 000 en France.
Est-ce que système de montée et descente peut devenir obsédant à l’instar d’un cuisinier qui ne veut pas perdre son étoile ?
De mon point de vue, et je pense qu’il résume celui du corps arbitral en général : Non ! Un joueur ne pense pas tout de suite à sa prime de match lorsqu’il marque un but. Pour nous c’est pareil. Quand je rentrais sur un terrain, j’avais plaisir à rentrer avec les joueurs et m’imprégner de l’ambiance. C’était avant tout une passion et un plaisir. Je ne pense pas une seule seconde que cela puisse ne pas être le cas pour mes collègues.
Source : PANENKA MAG (Janvier 2014)
Voir également notre interview de Philippe MALIGE (Décembre 2014)
Voir également notre interview de Philippe MALIGE (Décembre 2014)