dimanche, mars 08, 2015

LIGUE DU CENTRE-OUEST : L'Arbitrage contribue au "VIVRE ENSEMBLE"...

Par Eric WIROTIUS-BELLEC archivé dans , , , , ,

Publié le 08/03/2015 - Le foot, vecteur d’intégration, on connaît. L’arbitrage, moins. Devenir directeur de jeu a pourtant des vertus sociales. Comme à Limoges, où les jeunes emboîtent le pas à de glorieux aînés.

« Sur le terrain, il sait se faire respecter. » Quand il parle d’Akim, jeune arbitre de 20 ans, Azzedine Chouay, président du club de foot de l’US La Bastide-Le Vigenal, à Limoges, ne tarit pas d’éloges. Après les jeunes, ce garçon timide et frêle commence à officier en district, chez les seniors. « Il a une technique et une gestuelle parfaites », souligne le dirigeant. Dans un milieu qui a longtemps été très uniforme, la présence d’un jeune originaire du Val de l’Aurence pourrait détonner. Il n’en est rien. À Limoges, les clubs des « zones sensibles » ont développé une vraie politique d’incitation à l’arbitrage. L’US La Bastide en compte huit pour 215 licenciés. « On va pas mentir, les jeunes sont attirés par le défraiement, explique-t-il. Mais c’est aussi un ascenseur social. »

Post-ado au regard clair, Akim confirme de sa voix fluette un changement de statut. « Dans mon quartier, les copains me demandent comment je fais. Sortir du quartier, tout ça. Ça les intéresse. » Chez lui, l’arbitrage est plus qu’une passion : une vocation. « J’ai commencé à l’école à l’UNSS, puis je me suis pris au jeu. Maintenant, plus les années passent, plus j’ai envie. » Dans son discours, les raisons de cet amour s’entremêlent. Citons-en deux. Niveau sportif : « L’arbitrage, ça donne plus de responsabilité et de courage. La timidité, tu la laisses au vestiaire. » Mais officier constitue aussi une vraie ouverture au monde. « On sort de Limoges, on rencontre des personnes qu’on ne rencontrerait pas autrement », poursuit le jeune garçon, en formation peintre à l’AFPA.

« Sur un CV, arbitre, ça change tout »

Au pied des tours, cet ailleurs, même proche, permet « d’ouvrir des perspectives », note le président de La Bastide. Certains ont déjà défriché les sentiers de la réussite : Saïd Ennjimi, Fred Cano, Djamel Zitouni, Cédric Dos Santos… Tous œuvrent au haut niveau, en Ligue 1 ou Ligue 2. Le parcours de Saïd Ennjimi, arbitre international, sorti de la cité Coubertin, a joué « un rôle moteur », dans cette effervescence arbitrale, note Azzedine Chouay. « Mon oncle le connaît, confie Akim. Je l’ai déjà rencontré deux-trois fois. » Cette proximité renforce l’émulation. Installé en jean - T-shirt, à l’étage de son cabinet comptable, Saïd Ennjimi le reconnaît volontiers. « Comme mes amis me voyaient réussir, ça les motivait. On a créé une petite corporation, ça a suscité des vocations », estime-t-il. Candidat proclamé à la présidence de la Ligue de foot du Centre-Ouest, en juillet 2016, le Limougeaud se rêve en « trait d’union » du foot-vecteur d’intégration. « C’est bien que des gens issus de la diversité puissent accéder à de hautes fonctions », souligne-t-il. Atavisme oblige, le développement de l’arbitrage sera, s’il est élu, un pilier de sa politique.

Son histoire personnelle vient illustrer le propos : « Arbitre, sur un CV, ça change tout. C’est comme ça que j’ai obtenu mon premier stage. Et puis, ça forge le caractère : on doit faire respecter les règles et savoir manager 22 personnes. Quand on est jeune, c’est un vrai plus. » « L’arbitrage, c’est une belle école de la vie, souligne Frédéric Cano, président de la commission technique d’arbitrage de la Ligue et arbitre assistant en Ligue 1. Il faut être sérieux, ponctuel, faire preuve d’impartialité. » Dans le quartier de Beaubreuil, l’association Mix’cités joue des vertus de l’arbitrage et propose aux jeunes des quiz sur le sujet. « Le rôle de l’arbitre, c’est la médiation, explique Mounir Sissaoui, qui œuvre au sein de la structure. Souvent les jeunes ne connaissaient pas les règles. L’arbitrage, c’est aussi éducatif : c’est amener les jeunes à la citoyenneté. »

« Contribuer au vivre ensemble »

« À La Bastide, le foot et l’arbitrage contribuent au vivre ensemble », insiste Azzedine Chouay. En la matière, l’association compte quelques réussites à son palmarès, comme l’ouverture d’une section foot au sein du collège Ronsard, classé ZEP. « Quand il y a des leaders, des démarches positives, ça aide à ce qu’il y ait moins de problèmes », avance le président. Mais l’équilibre est précaire et la baisse des subventions n’aide pas vraiment. « On s’interroge sur les orientations à donner au club », s’inquiète Azzedine Chouay.

Au sein de la commission départementale d’arbitrage, on reconnaît d’ailleurs que l’engouement haut-viennois pour la fonction « commence à se tasser ». Sur 200 arbitres, 46 jeunes officient actuellement. « Ils nous en manquent une quarantaine pour couvrir toutes les divisions, souligne Daniel Doucet, son président. La société est difficile, ça se répercute sur l’arbitrage. Les jeunes nous le disent souvent : “On se fait tout le temps engueuler.” »
« Préserver cet engagement »

Une dizaine de clubs sur les 125 de Haute-Vienne ne comptent pas suffisamment d’arbitres. « Il y a tellement d’autres sollicitations », soupire Frédéric Cano. Certaines, malheureusement, rapprochent plus du carton rouge que de l’ascenseur social. « Que ce soit bénévole, arbitre, dirigeant, il faut préserver cet engagement citoyen », conclut Azzedine Chouay.

Source : Sébastien Dubois - LE POPULAIRE