Publié le 29/05/2015 - Rugby XV - Rugby. Arbitrage. L'heure de la retraite ayant sonné, Christophe Berdos revient sur sa carrière
Rattrapé par la limite d'âge (45 ans), le Tarbais Christophe Berdos a mis un terme à sa carrière d'arbitre le 16 mai, lors de Stade français-Montpellier (35-21). Son 204e match de Top 14 (dont les finales 2010 et 2014) en quinze saisons.
Ajoutez à cela une Coupe du Monde (2007) et 30 rencontres internationales au compteur et vous obtenez un joli parcours dans le rugby professionnel pour ce contrôleur des impôts de métier. De quoi partir «sans aigreur» pour ce «chanceux», ce «nanti».
Il y a deux semaines, vous avez arbitré votre dernier match. Que ressent-on sur le moment ?
Les images, pour ceux qui les ont vues, parlent d'elles-mêmes, je crois (sourire). Il y avait beaucoup de tristesse car on a toujours envie que cela continue, même si l'âge fait qu'il faut savoir laisser la place aux jeunes. J'ai peur d'avoir un manque. Mais je suis content, fier de ce parcours pas si vilain, au final. Une page se tourne. C'est une petite mort, mais elle est belle, avant la renaissance. Car il y a des choses plus importantes que l'arbitrage, le rugby.
Comment en vient-on à l'arbitrage, justement ?
Au départ, cela a été un dépit. Une blessure à l'épaule m'a empêché de continuer à jouer. Et à 18 ans : c'était soit entraîneur, mais j'étais trop jeune ; soit l'arbitrage… Avec le recul, cela a été un joli dépit. Quand je jouais, je détestais les arbitres : ils avaient toujours tort. Au bout du premier match en 4e série d'Armagnac-Bigorre, je me suis dit : «Mais qu'est-ce que je fous dans cette galère ?». Comme quoi… Je n'ai jamais eu cette ambition de monter vite. Alors qu'aujourd'hui, les jeunes veulent tous faire des rencontres internationales…
Qu'est-ce qui est le plus difficile à appréhender lorsqu'on évolue au haut niveau ?
Surtout les déplacements. Familialement, c'est compliqué. Après, les médias, bien entendu, même si j'ai appris à les connaître, à mieux les comprendre, avec le temps… L'arbitre, quand ça va mal, on te tape dessus ; par contre, quand c'est bien, c'est normal puisque c'est ton boulot.
N'y a-t-il pas une notion de masochisme chez l'arbitre ?
Il y en a une, oui. Mais on aime quand on parle de nous, bien sûr. En bien ou pas bien, d'ailleurs, même si c'est mieux la première option. Je ne connais pas quelqu'un qui est médiatisé et qui n'apprécie pas. Après, il faut faire attention. Je ne pense pas avoir eu la grosse tête mais j'ai pu la frôler. Heureusement que j'ai eu, toutes ces années, un environnement sain autour pour me dire «Attends, tu n'es qu'arbitre, hein…». De toute façon, la médiatisation n'est qu'un épiphénomène.
Comment jugez-vous l'évolution du Top 14 sur ces quinze ans ?
J'ai la chance d'avoir ce recul avant et après le professionnalisme. Beaucoup de choses ont changé, l'argent en premier lieu. Les mentalités évoluent. Ce n'est plus le rugby qu'on a pu aimer. J'ai peur qu'on en arrive à ce qu'il se fait dans le foot avec une énorme barrière entre les acteurs du jeu et l'arbitre. La nouvelle génération, qui est pouponnée, chouchoutée, n'a pas été sensibilisée sur les valeurs. L'ego rentre plus en compte. Mais le problème ne vient peut-être pas que des joueurs, il faut savoir faire notre autocritique également.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Lors de mon dernier match, au moment du briefing avec les capitaines (Pierre Rabadan qui prend sa retraite aussi, Stade français ; Fulgence Ouedraogo, Montpellier), je leur ai dit «merci de m'avoir supporté», parce qu'il m'est arrivé de ne pas être très bon. Et à Fulgence, j'ai rajouté qu'il avait un rôle important à jouer afin de perpétuer ce rugby que l'on aime. C'est la seule fois où j'ai demandé quelque chose à un joueur.
Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué sur un terrain de rugby ?
Ceux qui me laissent les plus beaux souvenirs, ce sont les plus râleurs, ceux qui ont des «têtes de cochons», qui te mettent en difficulté. J'adore les sanguins mais celui qui m'a le plus marqué, c'est Fabien Pelous, et lui ne s'inscrit pas forcément dans ce registre. Il inspire le respect. En termes de jeu, j'ai eu l'occasion d'arbitrer Richie McCaw (capitaine des Blacks) à plusieurs reprises. Quand tu le vois jouer, c'est avec des yeux de gamin. Je lui aurais presque fait la bise au moment du toast (rires) !
En quinze ans, on passe par des hauts et des bas. Il se situe quand ce bas chez vous ?
C'est ce quart de finale Clermont-Racing (21-17) de 2010. J'étais à la touche et prends deux décisions erronées. Je peux comprendre l'amertume du coach défait (Pierre Berbizier) mais ensuite, il a confondu la technique et l'homme. Je ne peux pas l'oublier car il a remis en cause mon honnête. Je ne suis pas compétent, peut-être, mais pas malhonnête. L'après a été dur, on m'a mis au fond du saut. Mais quelque part, je le remercie (Pierre Berbizier) car cela a été une renaissance, j'ai vécu une deuxième carrière après cet épisode. Et cette renaissance, je la dois à Fabien Dionèse (préparateur physique du TPR). Il est venu me chercher, m'a reboosté et à l'arrivée, j'ai pu arbitrer une deuxième finale de Top 14 l'an passé.
Rattrapé par la limite d'âge (45 ans), le Tarbais Christophe Berdos a mis un terme à sa carrière d'arbitre le 16 mai, lors de Stade français-Montpellier (35-21). Son 204e match de Top 14 (dont les finales 2010 et 2014) en quinze saisons.
Ajoutez à cela une Coupe du Monde (2007) et 30 rencontres internationales au compteur et vous obtenez un joli parcours dans le rugby professionnel pour ce contrôleur des impôts de métier. De quoi partir «sans aigreur» pour ce «chanceux», ce «nanti».
Il y a deux semaines, vous avez arbitré votre dernier match. Que ressent-on sur le moment ?
Les images, pour ceux qui les ont vues, parlent d'elles-mêmes, je crois (sourire). Il y avait beaucoup de tristesse car on a toujours envie que cela continue, même si l'âge fait qu'il faut savoir laisser la place aux jeunes. J'ai peur d'avoir un manque. Mais je suis content, fier de ce parcours pas si vilain, au final. Une page se tourne. C'est une petite mort, mais elle est belle, avant la renaissance. Car il y a des choses plus importantes que l'arbitrage, le rugby.
Comment en vient-on à l'arbitrage, justement ?
Au départ, cela a été un dépit. Une blessure à l'épaule m'a empêché de continuer à jouer. Et à 18 ans : c'était soit entraîneur, mais j'étais trop jeune ; soit l'arbitrage… Avec le recul, cela a été un joli dépit. Quand je jouais, je détestais les arbitres : ils avaient toujours tort. Au bout du premier match en 4e série d'Armagnac-Bigorre, je me suis dit : «Mais qu'est-ce que je fous dans cette galère ?». Comme quoi… Je n'ai jamais eu cette ambition de monter vite. Alors qu'aujourd'hui, les jeunes veulent tous faire des rencontres internationales…
Qu'est-ce qui est le plus difficile à appréhender lorsqu'on évolue au haut niveau ?
Surtout les déplacements. Familialement, c'est compliqué. Après, les médias, bien entendu, même si j'ai appris à les connaître, à mieux les comprendre, avec le temps… L'arbitre, quand ça va mal, on te tape dessus ; par contre, quand c'est bien, c'est normal puisque c'est ton boulot.
N'y a-t-il pas une notion de masochisme chez l'arbitre ?
Il y en a une, oui. Mais on aime quand on parle de nous, bien sûr. En bien ou pas bien, d'ailleurs, même si c'est mieux la première option. Je ne connais pas quelqu'un qui est médiatisé et qui n'apprécie pas. Après, il faut faire attention. Je ne pense pas avoir eu la grosse tête mais j'ai pu la frôler. Heureusement que j'ai eu, toutes ces années, un environnement sain autour pour me dire «Attends, tu n'es qu'arbitre, hein…». De toute façon, la médiatisation n'est qu'un épiphénomène.
Comment jugez-vous l'évolution du Top 14 sur ces quinze ans ?
J'ai la chance d'avoir ce recul avant et après le professionnalisme. Beaucoup de choses ont changé, l'argent en premier lieu. Les mentalités évoluent. Ce n'est plus le rugby qu'on a pu aimer. J'ai peur qu'on en arrive à ce qu'il se fait dans le foot avec une énorme barrière entre les acteurs du jeu et l'arbitre. La nouvelle génération, qui est pouponnée, chouchoutée, n'a pas été sensibilisée sur les valeurs. L'ego rentre plus en compte. Mais le problème ne vient peut-être pas que des joueurs, il faut savoir faire notre autocritique également.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Lors de mon dernier match, au moment du briefing avec les capitaines (Pierre Rabadan qui prend sa retraite aussi, Stade français ; Fulgence Ouedraogo, Montpellier), je leur ai dit «merci de m'avoir supporté», parce qu'il m'est arrivé de ne pas être très bon. Et à Fulgence, j'ai rajouté qu'il avait un rôle important à jouer afin de perpétuer ce rugby que l'on aime. C'est la seule fois où j'ai demandé quelque chose à un joueur.
Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué sur un terrain de rugby ?
Ceux qui me laissent les plus beaux souvenirs, ce sont les plus râleurs, ceux qui ont des «têtes de cochons», qui te mettent en difficulté. J'adore les sanguins mais celui qui m'a le plus marqué, c'est Fabien Pelous, et lui ne s'inscrit pas forcément dans ce registre. Il inspire le respect. En termes de jeu, j'ai eu l'occasion d'arbitrer Richie McCaw (capitaine des Blacks) à plusieurs reprises. Quand tu le vois jouer, c'est avec des yeux de gamin. Je lui aurais presque fait la bise au moment du toast (rires) !
En quinze ans, on passe par des hauts et des bas. Il se situe quand ce bas chez vous ?
C'est ce quart de finale Clermont-Racing (21-17) de 2010. J'étais à la touche et prends deux décisions erronées. Je peux comprendre l'amertume du coach défait (Pierre Berbizier) mais ensuite, il a confondu la technique et l'homme. Je ne peux pas l'oublier car il a remis en cause mon honnête. Je ne suis pas compétent, peut-être, mais pas malhonnête. L'après a été dur, on m'a mis au fond du saut. Mais quelque part, je le remercie (Pierre Berbizier) car cela a été une renaissance, j'ai vécu une deuxième carrière après cet épisode. Et cette renaissance, je la dois à Fabien Dionèse (préparateur physique du TPR). Il est venu me chercher, m'a reboosté et à l'arrivée, j'ai pu arbitrer une deuxième finale de Top 14 l'an passé.
Source : LA DÉPÊCHE