Publié le 13/06/2015 - 23 avril 1996, le juge de touche est une femme
Nelly Viennot, 54 ans, de Laneuveville-devant-Nancy est la première femme à avoir arbitré un match de foot de Ligue 1. C’était au parc des Princes. Retour sur un match historique.
A 7h30 le 23 avril 1996, le téléphone résonne au domicile de Nelly Viennot. Elle décroche. Son correspondant est un journaliste d’Europe 1 qui lui demande si elle a passé une bonne nuit. « J’ai trouvé la question surprenante, incongrue et à vrai dire même un peu stupide », se souvient-elle. Depuis plus d’un mois, la jeune mère de famille, épouse d’un cadre d’EDF, est au cœur d’un tourbillon médiatique. Les télés, les radios, les journaux s’enthousiasment pour la première femme désignée pour arbitrer un match de football de D1 (aujourd’hui Ligue 1). Nelly, 10 ans de carrière de footballeuse derrière elle, et déjà 15 ans d’arbitrage, sera juge de touche au parc des Princes le 23 avril 1996 à 20h pour le match opposant le PSG qui joue le titre et Martigues qui se bat pour le maintien. En juillet de la même année, elle doit s’envoler pour les Jeux Olympiques d’Atlanta et arbitrer le football féminin dans un pays où il est professionnel et attire les foules.
Menace de boycott
Nelly manque d’expérience dans les grands stades, d’où cette proposition inespérée d’accéder à la division 1 masculine. Les semaines qui précèdent, elle enchaîne les plateaux télé et les interviews. Le téléphone sonne sans discontinuer au point que sa fille « épuisée éclate en sanglots ». Trois jours avant le jour J, elle apprend que « certains » présidents de club s’opposent à sa présence. Une menace de boycott est brandie. « Pas question que l’on cède », lui glisse Michel Vautrot, directeur technique national de l’arbitrage français. Le mouvement est étouffé dans l’œuf.
Tenue trop grande
Le 23 avril, le trio d’arbitres, dont Nelly, arrive au parc des Princes un peu moins de deux heures avant le coup d’envoi. Exceptionnellement, l’échauffement se fera à l’intérieur afin d’extraire la jeune femme d’une pression sans précédent. Dans l’intimité de son vestiaire, elle passe la tenue d’arbitre bien trop grande pour elle. Ce sera le cas pour les 180 matchs qui vont suivre en dépit des efforts de sa mère pour ajuster les tenues. L’heure est venue d’entrer sur le terrain. Quand le rideau se lève, trois rangées de photographes l’attendent. Nelly Viennot fait l’événement. Passée la surprise, elle se réfugie dans sa bulle. « On ne doit plus faire attention à l’environnement et se concentrer sur le match », assure-t-elle. Elle oublie tout, même le vacarme des 45 000 spectateurs dans un stade survolté. Le temps file. Le stress l’envahit cinq minutes avant la fin de la rencontre. Si elle fait une erreur, l’histoire ne retiendra qu’elle. Nelly assure. Coup de sifflet final. Elle peut rentrer chez elle avec le gros bouquet de fleurs remis par Michel Denisot, président du PSG. Le mois suivant, dans l’indifférence médiatique elle assure la touche de Lyon-Cannes. Jean-Michel Aulas lui offre des chocolats, des fleurs et un vestiaire dédié.
En 2007, Nelly Viennot prend sa retraite. Ses souvenirs tiennent dans des albums photo qui remplissent une armoire basse dans le salon de sa maison à Laneuville-devant-Nancy. « De belles années », assure-t-elle. Rien ne les ternit, pas même ce pétard lancé qui explose à quelques centimètres d’elle lors du match Strasbourg-Metz à la Meinau le 21 décembre 2000. L’oreille interne vacille et Nelly s’effondre. Le match est arrêté. Devant la commission, les responsables du club strasbourgeois l’accusent injustement d’avoir surjoué le malaise. Nelly évacue la mesquinerie. Et sourit.
Source : LE RÉPUBLICAIN LORRAIN