Publié le 16/04/2017 - Critiqué, harcelé, ringardisé, insulté. À y réfléchir, on peut se demander ce qui pousse un arbitre à se lever tous les dimanches pour permettre à des joueurs amateurs de disputer leur petit match de district. S’il arrive à haut niveau, l’homme en noir en a souvent connu des vertes et des pas mûres. Il est utile de rappeler qu’arbitrer, c’est sortir de sa zone de confort et aimer le football au point d’en devenir l’humble serviteur. Benoît Millot, arbitre international, nous parle de son métier, une école de la vie.
Qu’est-ce qu’un bon arbitre ?
Il doit avoir une certaine lecture du football qui lui permette de laisser vivre le jeu quand c’est possible et sanctionner lorsque c’est nécessaire. Il doit être au service du jeu, aller dans le sens du spectacle, de l’attractivité de nos compétitions professionnelles. On souhaite qu’elles redeviennent compétitives. Cette année, il y a quand même une volonté de la plupart des clubs de jouer davantage. Les arbitres essaient de se mettre au diapason. On essaie d’éviter de siffler des micro-fautes lorsqu'il y a des duels. Deuxième chose, un arbitre doit être un athlète de haut niveau. Le football va de plus en plus vite. On travaille davantage et de façon plus structurée grâce notamment à des mises en situation d’entraînement à Clairefontaine, le centre technique. On se rassemble très fréquemment. Ça nous permet de nous rapprocher au maximum des situations de match pour être le plus réactifs et le mieux préparés possible. Dernière chose, il faut être un bon communiquant.
Un arbitre doit associer respect, règlement et humanité, tout en imprégnant son arbitrage de sa personnalité.
Chacun a la sienne, même si certaines choses ont tendance à s’uniformiser dans l’arbitrage. Certaines décisions et postures sont attendues. L’un des axes qui commence à émerger, notamment avec les arbitres qui viennent d’arriver en première division, est tout ce qui touche à la communication. Le côté arbitre un peu gendarme ou policier, c’est complètement décalé avec le football d’aujourd’hui. Être communicant, c’est être capable d’expliquer ses décisions sans se justifier en permanence, sans être trop dans un rapport conflictuel. Le côté un peu martial « c’est comme ça et pas autrement » , aujourd’hui sur les terrains de foot ou dans la société, ça n’existe plus.
La dernière star de l’arbitrage était l’Italien Pierre Luigi Collina, un vrai gendarme.
Cette forte personnalité, cette façon d’imposer ce regard, cette posture, étaient ancrées en lui. Si vous voyez un mur habillé en arbitre pour prendre les décisions et ne pas se mettre au contact des acteurs du foot, on se dit : « c’est quoi ce mec ! Il est trop strict, trop sévère, il ne s’explique pas, il est fermé. » Aujourd’hui, on est plus dans des approches d’ouverture, et cette démarche est encore plus palpable en dehors des terrains. On propose aux capitaines et présidents d’avoir un échange à la fin d’une rencontre. Nos portes de vestiaires ont vocation à s’ouvrir si c’est demandé convenablement et si ça amène un échange et une discussion. C’est pour ça qu’il faut savoir être un communiquant. Il faut avoir des choses à dire et être capable de les expliquer.
La complexité d’exercer le métier d’arbitre fait penser à celle des profs. Il faut se faire respecter tout en étant gentil, cool, souriant, avenant. À l’époque de Collina, on appliquait simplement le règlement.
Sur le principe, c’est compliqué et dans la réalité encore plus. Les portes des vestiaires peuvent s’ouvrir pour une explication, mais il ne faut pas omettre le fait que lorsqu'on sort d’un match, avec la débauche d’énergie physique et mentale, être en plus capable de venir expliquer tranquillement et dans la plupart des cas, sans avoir vu aucune image, est compliqué. Surtout que ceux qui viennent réclamer des explications ont souvent eu l’occasion de les voir. On est sur un fil. Bien sûr que ce n’est pas toujours évident et qu’il y a des week-ends compliqués, je ne vais pas vous raconter d’histoires. Mais l’objectif est de nous rapprocher des acteurs de terrain, qu’ils n’aient pas l’impression que nous sommes dans une bulle, ce qui peut-être, à une certaine époque, était un peu trop le cas et nous mettait peut-être un peu de côté dans la famille du football. Être arbitre, ce n’est pas simple par définition.
« J’ai 35 ans, j’ai commencé l’arbitrage à quinze ans. Par rapport à mes potes qui étaient joueurs, je me suis vite rendu compte que j’ai mûri, acquis un sens des responsabilités, appris à gérer des situations conflictuelles dans la vie de tous les jours. »
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