Publié le 03/02/2025 - Il a rendu son sifflet en 2022 après 172 matchs de L1 dirigés mais n’a pas pour autant quitté le monde de l’arbitrage. Au contraire, le Landais a intégré l’organigramme fédéral et s’occupe aujourd’hui de la formation des arbitres en Ligue 1. En première ligne, Amaury Delerue (47 ans) est l’un des visages de l’opération communication lancée par la direction de l’arbitrage, visant à faire tomber les barrières qui séparent les hommes en noir du grand public et des clubs.
Pourquoi la direction de l’arbitrage a décidé de mettre en lumière la façon dont travaillent les arbitres professionnels ?
C’est une volonté depuis janvier 2023, d’instituer de nouveaux espaces pédagogiques, d’expliciter auprès du grand public et des acteurs du football le travail des arbitres. Cela concerne leur préparation, la façon dont ils prennent les décisions et tout ce qui fera mieux connaître leur travail complexe. Puis il y a également une volonté d’ouverture sur les décisions majeures, prises par nos arbitres de premier plan, afin d’expliquer – non pas de convaincre mais d’expliquer – les raisons de telle ou telle décision.
Concrètement, comment cela se traduit ?
Sous différentes formes. La direction de l’arbitrage a donc souhaité mettre en place la possibilité de dialoguer à la fin d’un match avec un arbitre, de manière rare, si le contexte et la situation le nécessitent. Mais aussi de manière différée avec les débriefings techniques pédagogiques de façon hebdomadaire. Et des journées d’ouverture sur nos formations, sur les outils technologiques comme le replay center à Paris que vous avez pu découvrir.
Cette envie d’ouverture tranche avec une certaine opacité au niveau de la prise de décision qui a pu être reprochée aux arbitres ces dernières années…
Le constat c’était surtout que si nous, nous ne faisions pas un pas en avant, nous étions perdants. Notamment sur cette volonté que les gens comprennent mieux notre travail. On était perdant et donc cette volonté là passe par toujours plus d’explication et de pédagogie autour des lois du jeu dont on sait que beaucoup de fans ou d’acteur du football méconnaissent certains détails. Mais aussi en ce qui concerne la méconnaissance de l’outil VAR. Car c’est quelque chose de nouveau à l’échelle du football. À partir du moment où ces choses nouvelles étaient là et où le foot était toujours plus regardé, disséqué, commenté… Il fallait également occuper un espace qui ne l’était pas jusqu’ici.
Les arbitres peuvent désormais expliquer leurs décisions après le match au micro du diffuseur et se « défendre » en cas de critiques. Quels ont été leurs retours d’expérience ?
Ce n’est pas une volonté de défense, ce mot je vous le laisse. C’est une volonté d’explication, d’éclairage sur des éléments factuels, le plus souvent technique pour atténuer la force éventuelle d’une polémique. Et pour rapidement apporter des éléments explicatifs qui font que les acteurs du jeu ou les fans auront une explication rationnelle donnée par l’acteur principal, tel qu’il l’a vu, vécu. Mais en laissant la place à tous ces gens de se faire ensuite leur propre appréciation.
Au sujet du VAR, avez-vous des échanges avec vos homologues du rugby, où la vidéo est en vigueur depuis de nombreuses années (2001) ?
Le protocole VAR de l’IFAB (Conseil international du football) pour le monde du ballon rond est totalement différent d’autres protocoles vidéos sur d’autres sports et en particulier celui, avec lequel nous sommes souvent comparés, du rugby. Au niveau du rugby, en l’absence de décision, l’arbitre de rugby peut faire appel au VAR pour une analyse complémentaire. Ce n’est pas du tout le protocole que nous avons au foot. Les deux protocoles ne sont pas comparables stricto sensu, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Au foot, on ne parle que d’un parachute, d’une bouée de sauvetage sur une décision, si l’arbitre vidéo considère qu’il y a eu une erreur manifeste de l’arbitre de champ. C’est très différent. Mais on est toujours à l’écoute et les liens que nous avons aujourd’hui avec la direction de l’arbitrage du rugby montrent qu’on veut faire évoluer nos bonnes pratiques et régler nos mauvaises. Mais tout cela dans un cadre réglementaire qui est celui de l’IFAB.
Où en est le dossier de la sonorisation des arbitres ?
Depuis janvier 2023, il y a une demande faite par la direction de l’arbitrage et de la Fédération française de Football auprès de la Fifa et de l’IFAB pour entrer en expérimentation d’un dispositif de diffusion du son, complet et en continu. Ça a été refusé en avril 2023 mais ils ont tout de même autorisé la continuation des expérimentations. C’est la raison pour laquelle cette expérimentation va se poursuivre à partir des demi-finales de Coupe de France et des play-off d’Arkema Première Ligue.
La France est donc prête…
Non seulement la France est prête mais c’est a priori le sens de l’histoire et l’histoire va doucement. En revanche, depuis le début de cette possibilité nous nous sommes portés volontaires pour l’expérimenter. Nos arbitres sont prêts.
La direction de l’arbitrage a aussi ouvert le dialogue avec les clubs, notamment pour revenir sur certaines décisions qui ont fait débat lors d’un match. Pour prendre un exemple précis, avez-vous été en contact avec le TFC à l’issue de la rencontre entre Toulouse et Strasbourg (le 12 janvier, défaite 2-1) ? Certaines décisions n’avaient pas été acceptées dans les rangs toulousains…
Alors, je ne vais pas prendre de cas précis mais je suis régulièrement en visio pour expliquer une décision prise à la demande d’un club qui voulait avoir accès à la situation et au son du VAR pour pouvoir recevoir des explications techniques. Ce travail, il est régulier de la part de la direction de l’arbitrage, en fonction des situations et des demandes des clubs. Ces derniers savent que nous sommes à leur disposition pour discuter des situations qu’ils avaient vécues et pour leur apporter des éléments d’explications. Depuis le début de la saison on a opéré de façon formelle ou informelle, un certain nombre d’échanges qui vont jusqu’à des moments en visio pour les clubs qui souhaitent avoir un éclairage et accès aux bandes-son.
Ces échanges sont-ils constructifs selon vous ?
C’est toujours constructif à partir du moment où – et c’est plutôt le cas depuis le début de la saison – la posture des uns et des autres est très claire dès le début : ils gardent leur libre arbitre et évidemment leur faculté à être toujours en désaccord à la fin par rapport à nos explications. On n’est pas là pour les convaincre mais pour leur donner des explicitations.
Une partie des présidents de club de Ligue 1 ont récemment visité le centre VAR à Paris et ont pu se mettre dans la peau d’un arbitre vidéo le temps d’une après-midi… Comment cela s’est passé ?
Ça a été vécu de manière totalement positive. C’est quelque chose qui n’avait jamais été fait, qui méritera de trouver une période adéquate même si l’on sait que dans un championnat comme le nôtre, il n’y a jamais de période adéquate pour rassembler un maximum de présidents. C’est donc amené à se répéter. Et toujours dans cette volonté d’ouverture, les présidents de club ont pu se rendre compte à quel point cet outil est intéressant et peut être puissant comme aide à la décision. Mais la technologie doit se maîtriser et fait appel à des process très précis et, in fine, avec le facteur humain qui est derrière, il restera toujours une part d’appréciation dans notre travail. Mais cet après-midi a été très apprécié, si j’en crois les retours que j’ai eus.
Damien Comolli était présent ?
(rires) Je ne répondrai pas cette question.
Source : LA DEPÊCHE - Entretien : Arthur TIRAT