lundi, octobre 20, 2014

Bruno DERRIEN : Son analyse de la 10ème journée de LIGUE 1

Par Eric WIROTIUS-BELLEC archivé dans , , , , , , ,

Toujours intéressant de connaître l'avis d'un ancien arbitre International, qui lui analyse les situations et contrairement aux autres anciens arbitres donnent ses solutions. On n'aime ou on n'aime pas, mais on n'est obligé de s'incliner devant l'analyse arbitrale qui respire le vécu et souvent le bon sens.

Consultant pour Sports.fr, Bruno Derrien revient sur les polémiques nées de la rencontre Lens-PSG disputée vendredi soir en ouverture de la 10e journée de Ligue 1 (1-3). Marqué par trois exclusions, le match a-t-il vu M. Rainville perdre les pédales ? L’ancien arbitre international fait le point et rappelle les consignes données en début de saison aux hommes en noir du championnat.

"Il y a un constat très clair à faire. Il faut très vite améliorer la relation entre les joueurs et les arbitres. On a atteint vendredi soir avec ce Lens-PSG un summum."

"Pris dans son raisonnement"

"La faute qui entraîne le penalty pour le PSG (53e minute) est sanctionnée d’un carton jaune, ce qui signifie que M. Rainville n’a pas jugé que le défenseur lensois enraye alors une action de but. Sinon, et ce même si Gbamin avait déjà écopé d’un carton jaune en première période (8e minute), l’arbitre aurait sorti un carton rouge direct. Règlementairement parlant, il peut sortir ce carton jaune.  En cinq minutes, la rencontre a totalement basculé, il n y a plus de match après. M. Rainville s’est retrouvé pris dans son raisonnement et a sorti un troisième carton rouge, le deuxième pour Lens en avertissant pour la deuxième fois Lemoigne pour une bousculade sur Cabaye. On peut dire que M. Rainville a de manière générale eu une gestion très à la lettre de son arbitrage ce vendredi soir."

Cavani, une expulsion justifiée ?

"Concernant la célébration de Cavani, l’Uruguayen la fait dès qu’il marque un but. Même s’il a moins marqué ces derniers temps, on l’a vu notamment  réaliser ce même geste contre l’Ajax Amsterdam en Ligue des champions (1-1). Il n’avait pas été sanctionné pour cela. L’arbitre estime que le geste représentait une provocation à l’égard des supporters lensois. Règlementairement, là encore, il peut effectivement sortir un carton jaune.

On l’a d’ailleurs vu pas plus tard que cette semaine lors de la célébration du but de Kurzawa avec l’équipe de France espoirs. Jugée comme une provocation à l’encontre des Suédois, elle lui avait à juste titre valu un avertissement. Cavani est donc averti et sa réaction face à cette décision entraîne un deuxième carton jaune. Il n y a pourtant pas d’agressivité de la part de l’attaquant du PSG contrairement à ce qui s’est passé récemment lors de Montpellier-Guingamp lorsque le gardien guingampais Mamadou Samassa avait initimidé M. Kalt. Selon moi, le geste de Cavani qui touche l’arbitre est plus lié à son incrédulité face à la première décision de M. Rainville."

"Sacraliser la fonction d’arbitre mais…"

"Il faut arrêter de pousser l’arbitre, d’être autour de lui. Ça ne sert à rien sinon à créer de la confusion. C’est un postulat général à avoir. Mais l’arbitre doit faire preuve de discernement pour pouvoir faire la différence entre une forme de frustration dans l’action et l’agressivité qui, elle, n’est pas permise. J’ai personnellement le sentiment que Cavani était hier dans une forme de frustration, de déception. Si on applique le règlement à la lettre et uniquement à la lettre, pas un match ne se terminera. Il faut savoir que la direction de l’arbitrage a donné des consignes sur la gestion des conflits avec les joueurs : agir avec discernement pour juger un comportement acceptable ou inacceptable, utiliser des rappels à l’ordre pour prendre des décisions adaptées en sont quelques-unes. Le geste de Cavani est fait systématiquement. Il faut donc l’anticiper dans sa préparation du match, faire de la prévention. C’est à l’arbitre de discerner les fautes mettant en danger l’intégrité physique de l’adversaire, celles faites méchamment et celles commises par maladresse. Les arbitres ont reçu des consignes là-dessus qui se vérifient par les chiffres. On voit ainsi moins de cartons rouges que la saison dernière à pareille époque (23 cartons rouges après 9 journées l’an dernier, 15 cette saison en comptant les trois de Lens-PSG, premier match de la 10e journée, 333 cartons jaunes après 9 journées contre 268 cette saison, ndlr)."

Professionnaliser l’arbitrage, une solution ?

"Le secrétaire d’Etat chargé des Sports, Thierry Braillard, interrogé sur I-Télé, s’est positionné ce samedi pour l’ouverture d’une réflexion sur la professionnalisation de l’arbitrage. Celle-ci est en fait déjà entamée. Mais d’un point de vue statutaire, les arbitres ne peuvent pas dépendre de la Ligue. La FIFA l’ordonne, les arbitres dépendent des fédérations. On peut considérer qu’ils  sont déjà professionnels en raison des émoluments touchés. Les arbitres gagnent confortablement leurs vies, ce qui est légitime. Des efforts ont été consentis. Ils sont suivis médicalement par des examens poussés, ont des stages, des préparateurs physiques. Plus l’arbitrage sera professionnel dans son approche, mieux ce sera. Mais penser que parce que l’arbitre sera professionnel, cela enlèvera toutes les erreurs et que les polémiques disparaitront, je n’y crois pas un seul instant. Il faut plutôt aujourd’hui accentuer la réflexion sur la formation et l’encadrement des arbitres. Se poserait aussi la question des reconversions après la fin de leurs carrières d’arbitres. Rappelons à ce sujet le côté précaire du métier d’arbitre et le fait qu’on peut être vite rétrogradé. Personnellement, j’estimais en outre qu’avoir un emploi à mi-temps, penser à autre chose que le football et l’arbitrage toute la journée m’aidait à mieux préparer psychologiquement mon match."
Source : SPORTS.FR