mardi, septembre 25, 2018

FFF - Clément TURPIN - Interview : « Si on parle, on parle utile »...

Par Eric WIROTIUS-BELLEC archivé dans , , , , , , , , , ,


Publié le 25/09/2018 - Il y a dix ans, il devenait à 26 ans le plus jeune arbitre de Ligue 1. Trois ans plus tard, le Bourguignon officiait en matchs internationaux, en étant le plus jeune à exercer cette fonction à ce niveau. Aujourd'hui, c'est encore lui le meilleur sifflet de France. Des dimanches après-midi dans le district de Saône-et-Loire à la Coupe du monde en Russie, Clément Turpin se raconte....


Vous avez arbitré votre premier match officiel à l’âge de seize ans. Qu’est-ce qui vous plaisait déjà dans la fonction d’arbitre ?

La prise de décision et le fait d’avoir un rôle atypique sont deux éléments qui m’attiraient. Les gardiens peuvent sans doute nous comprendre parce qu’ils ont aussi un rôle singulier. Aujourd’hui, je rajouterais le fait d’aider à faire en sorte que le spectacle se passe pour le mieux. J’aime bien cette idée de la co-construction.

Quand vous êtes devenu arbitre, vous continuiez à jouer. Est-ce que c’était important pour vous afin de comprendre ce qui passe sur le terrain ?

« Je suis convaincu que le meilleur moyen d’apprendre ce qu’est un tacle, c’est d’en effectuer un ou d’en prendre un. » J’en suis profondément convaincu. À l’époque, je jouais milieu défensif. Encore aujourd’hui, il m’arrive très fréquemment de prendre mes crampons et d’aller m’entraîner avec l’équipe première du FC Montceau, mon club (en Saône-et-Loire). D’abord, parce que toucher le ballon, c’est fondamental quand on aime le foot. Et puis ça me permet de rester en contact avec le jeu. Nous, les arbitres, on doit juger si un tacle, une main, etc. sont réguliers ou pas. Et je suis convaincu que le meilleur moyen d’apprendre ce qu’est un tacle, c’est d’en effectuer un ou d’en prendre un. Ça, c’est de la formation ultra-pratique, et ça me plaît. 

Vous avez dit un jour : « Arbitrer, c’est terriblement excitant. » Pourquoi ?

C’est excitant parce que ce sont des émotions permanentes, très diverses, qui viennent s’entrechoquer. On a de l’adrénaline, du stress, de l’envie, de la pression... avant, pendant et après un match. Pour moi, l’arbitrage, c’est se confronter chaque week-end à un nouveau défi.

Et le plaisir ?

Évidemment qu’il y en a du plaisir. Le plaisir, on le prend en vivant la rencontre, en étant partie prenante d’un spectacle, en sortant une performance aboutie. Mais j’ai très rarement vu une effusion de joie dans un vestiaire d’arbitres après un match. Parce que dès que l’on a fermé la porte du vestiaire, on est immédiatement dans l’autocritique : « Est-ce que tout s’est bien passé ? » Le lendemain, on revisionne le match, on redécoupe les séquences...

Benoît Millot : «  Être arbitre, ça compte sur un CV !  »


Photo : Jean CATUFFE


En parlant de spectacle, en avril dernier, vous étiez au sifflet du quart de finale retour de Ligue des champions Roma-Barça (3-0). Une rencontre épique. Mais pour vous, est-ce que c’était une soirée comme une autre parce que vous étiez dans votre bulle ?

Non, on sent l’émotion ! Au fur et à mesure du match, on a senti que cette soirée allait devenir une soirée particulière. On voit les réactions des joueurs, du public, l’émotion qu’il y a sur le banc de touche. Tout ça, on le ressent, et c’est important de le sentir parce qu’être arbitre, c’est aussi se connecter à toutes ces émotions-là.

On peut lire régulièrement dans la presse régionale des cas d’arbitres agressés sur les pelouses amateurs. Est-ce que vous l’avez vécu, vous-même, de vous lever un dimanche pour arbitrer un match de district et de subir une agression ?

Des incivilités autour des terrains, malheureusement, aujourd’hui, c’est monnaie courante. Mais c’est anormal. Est-ce que moi je l’ai vécu ? Tous les arbitres ont un jour entendu depuis les tribunes des propos inadmissibles. Tous. Et c’est ça qui fait mal au foot en général. Les relations entre les arbitres, les entraîneurs et les joueurs, ça se passe bien dans la grande majorité des cas, parce qu’il y a du dialogue. Ces échanges-là sont bons. En revanche, entendre des propos agressifs ou totalement irrespectueux, c’est inacceptable.

Au début, ça ne vous a pas rebuté ? Vous n’avez pas songé à arrêter à cause de ça ?

Je ne me suis jamais dit : « J’arrête. » En revanche, vous ne trouverez personne qui vous dira que ça lui fait plaisir d’aller faire sa passion le dimanche après-midi pour entendre des mots qui n’ont pas lieu d’être. Nous, les arbitres, on doit malheureusement passer au-delà. Et c’est ce qui forge aussi un caractère. Quand j’ai la chance d’avoir des parents qui viennent me dire que leur fils souhaite se lancer dans l’arbitrage, je leur réponds : « Vous verrez, votre enfant grandira plus vite que les autres. » Parce que quand vous êtes confronté dès votre adolescence à des mots, un contexte ou un environnement difficile, vous développez des qualités plus vite que les autres.

Vous avez un exemple qui vous a marqué ?

Dans l’arbitrage, on a tendance à se souvenir des très jolis moments...

Crédit Photo : David RAMOS


Votre plus mauvais souvenir sur un terrain ?

Je n’en ai pas un en tête. On en a tous vécu, mais je ne suis pas en train de vous dire que c’est tous les week-end comme ça.

Pour en revenir au plaisir, est-ce que justement vous preniez le même plaisir le dimanche après-midi sur les terrains de Bourgogne qu’aujourd’hui dans le foot professionnel ?

Moi, quand j’étais dans le monde amateur, l’affiche du dimanche soir sur Canal +, c’était mon match de 15h00. J’arrivais sur la pelouse avec la même ambition et la même motivation que celles avec lesquelles j’aborde aujourd’hui mes rencontres. J’ai autant de plaisir à faire mon sac pour préparer un match de Ligue 1 que lorsque je partais sur un terrain de mon district de Saône-et-Loire.

Est-ce plus difficile de faire respecter son autorité auprès de joueurs de Ligue 1 ou bien auprès de joueurs amateurs ?

C’est la même chose. Les personnalités sont exactement les mêmes. Les leviers qu’on a pour faire passer nos messages sont aussi les mêmes. C’est d’abord de jouer la carte du naturel. Le naturel ne triche pas. Si on veut utiliser des postures qui sont réfléchies, anticipées, à un moment, ça va sonner faux.

Vous l’avez constaté par vous-même au début de votre carrière ?

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