Publié le 01/12/2014 : Notre chroniqueur Bruno Derrien revient ce lundi sur l’arbitrage de M. Turpin lors du derby rhodanien entre l’ASSE et l’OL, disputé dimanche soir à Geoffroy-Guichard, en clôture de la 15e journée de Ligue 1.
Bruno, d’un point de vue général, qu’avez-vous pensé de l’arbitrage de M. Turpin lors du derby rhodanien entre l’AS Saint-Etienne-OL dimanche soir ?
Dans un match pareil, la mission première de l’arbitre est de ne pas influencer et de ne pas faire le score. A ce niveau-là, la mission est remplie. Après, si on veut pinailler… Il a sorti les cartons très tard (un seul pour Diomandé après 85 minutes de jeu, ndlr). Il a mis un peu de temps à les sortir. Il a voulu temporiser un maximum, faire preuve de psychologie.
Ruffier méritait-il la double peine ou la triple peine sur le penalty concédé devant Fékir ?
Quand il siffle le penalty, Ruffier doit être exclu. On peut être contre la double peine dans la surface de réparation, elle fait d’ailleurs l’objet de débats mais elle existe. Et les règles sont faites pour être appliquées. On ne doit pas prendre le score en considération. Il faudrait qu’on fasse preuve d’une certaine uniformité dans ces situations. C’était rouge ou rien. Jaune, ça aurait été une demi-mesure. Ce n’est pas une agression en soi mais si Ruffier ne commet pas cette faute, l’attaquant lyonnais est en position de marquer un but. Il fait un crochet et marque.
Et la main de Ricky van Wolfswinkel dans sa propre surface…
Il faut peut-être rappeler trois choses. Juger de l’intention d’une main, c’est toujours extrêmement subjectif. La loi 12, elle est claire, il n’y a qu’une phrase: « Pour être sanctionnée, une main doit être commise de manière délibérée. » Il revient donc à l’arbitre de juger de l’intention de la main. La DTA (Direction technique de l’arbitrage, ndlr) a eu la volonté d’apporter une plus grande visibilité et cohérence pour l’analyse du jugement des mains. Elle a défini trois niveaux de priorité: 1. Le joueur a-t-il touché intentionnellement le ballon ? Le ballon est-il allé à la main ou la main est-elle allée au ballon ? 2. Le joueur a-t-il tenté d’éviter le ballon et pouvait-il l’éviter ? La distance temps entre le départ et le contact du bras ou de la main. 3. La position du bras était-elle naturelle ou le joueur a-t-il tenté d’augmenter sa surface de contact ? Voilà les trois niveaux que la DTA a communiqué à ses arbitres pour juger. Mais au final, malgré tout ça, ça restera toujours à la libre appréciation d’un homme: celui qui est sur le terrain. Là, je suis assez d’accord avec son interprétation de ne pas la sanctionner.
Vous me dites que M. Turpin n’a pas influé ou n’a pas fait le score. Mais à 3-0, en décidant de ne pas exclure Ruffier… A dix contre onze, le résultat aurait peut-être été différent ?
J’entends bien mais peut-être a-t-il estimé que la faute du gardien n’enrayait pas une occasion manifeste de but ? Arbitrer, c’est interpréter et juger sur le terrain. S’il siffle cette faute, je m’attends à ce qu’il sorte le carton. S’il y a une action comme ça le week-end prochain ou dans quinze jours, et que l’arbitre sort un rouge, personne ne comprendra. Encore une fois, pour une meilleure visibilité et lisibilité des décisions de l’arbitre, il faut tendre vers une certaine uniformité dans ces situations-là. Ni le temps de jeu (si la faute a été commise à la 1ère ou 85e minute de jeu) ni le score ne doivent entrer en ligne de compte. Je ne dis pas qu’il les a pris en ligne de compte mais j’entends ici ou là: « Oui, il y avait 3-0, le match était plié, etc. » Après, on peut débattre de la double peine, la révoquer ou non. Certains sont contres ! Ouvrons le débat mais elle existe aujourd’hui, dans les textes, dans les règles. Donc, tant qu’elle existe, il faut l’appliquer.
Comment un arbitre doit-il réagir quand, à 3-0, un joueur part tranquillement tirer un corner en réalisant des séries de jongles et manque de provoquer une échauffourée avec des adversaires (Gradel qui chambre et prend son temps sous les yeux de Jallet et Ghezzal) ?
Il doit sortir un carton. M. Turpin a voulu arbitrer sans carton. Il en a mis un premier après 85 minutes de jeu mais Sall aurait par exemple dû en prendre un (pour un début d’échauffourée après avoir voulu bloquer la relance d’Anthony Lopes, ndlr). J’avais écrit sur Twitter: « Il est des fois où le carton a une vertu balsamique… » Mais au final, quand on regarde le match dans son ensemble, personne ne parle de l’arbitrage, ou très peu, car la victoire de Saint-Etienne est nette et sans appel. L’arbitre n’a pas fait le score, ni ses assistants. C’est quand même leur mission première.
Au Parc des Princes, M. Desiage a sifflé lui aussi un penalty pour une faute sur Lucas ? Que pensez-vous de cette autre situation ?
Le penalty est d’abord tout à fait justifié et là, il n’y a pas de carton à mettre. Lucas est pris en sandwich par deux joueurs. M. Desiage a d’ailleurs été très bon, très présent dans le jeu. Il a pris les bonnes décisions. Pratiquement un sans-faute !
Il a pourtant été pas mal chahuté lors de certaines prises de décisions ? Comment un arbitre vit-il ces sifflets ou ces critiques ?
Il ne les entend même pas. C’est une habitude, c’est récurrent. Si vous êtes arbitre à ce niveau-là et que cela vous perturbe, il vaut mieux changer de métier ! J’ai d’ailleurs plus de souvenirs de voir des arbitres sifflés qu’acclamés par la foule (rire). Ça m’est arrivé une fois, c’était en Chine et des étudiants avaient été réquisitionnés pour remplir le stade lors d’un championnat du monde étudiant. C’est la seule fois où j’ai été ovationné ! Je n'avais jamais vu un stade comme ça de ma vie. A tel point qu’on jouait avec le public, c’était extraordinaire (rire).
Source : SPORTS.fr