QUE SONT-ILS DEVENUS ?
Il a envoûté les stades et les plateaux télé. Robert Wurtz, l’arbitre de foot et d’ Intervilles le plus déjanté de l’histoire coule une retraite paisible dans les Vosges du Nord. Le Nijinski du sifflet revient sur son passé à coup d’anecdotes.
Bien sûr, l’homme est moins virevoltant que dans les années 70. Mais à 73 ans, la gestuelle est intacte. Et le charisme n’a pas pris une ride. Ceux qui avaient quitté Robert Wurtz en 2007 sur un AVC quasi retransmis en direct à la télé, alors qu’il arbitrait les vachettes d’ Intervilles , peuvent être rassurés. Robert Wurtz n’a pas changé.
L’arbitre le plus déjanté de l’histoire du foot coule une retraite paisible à Climbach, petite commune alsacienne, au fin fond des Vosges du Nord. C’est le village de sa femme Hélène. C’est lui, né à 800 m du stade de la Meinau à Strasbourg, qui a tenu à s’y installer. « Je voulais la paix », explique-t-il autour d’un kouglof et d’un vin d’Alsace dans le salon de son coquet pavillon. Le couple y vit depuis « le lendemain de la finale de la Coupe du monde 82 ». Chez les Wurtz, on compte en saison de foot plutôt qu’en années calendaires.
Scènes d’anthologie
Sans permis de conduire – « Je l’ai loupé deux fois, ils ne me verront plus » – il sillonne ce cadre vallonné à raison de deux heures de marche quasi quotidiennes. Fidèle à sa réputation. Dans les années 70, celui qui toute son enfance a été surnommé « le gros » a été le premier à comprendre que pour bien arbitrer, il fallait être en forme. « L’idée, c’était de toujours être au plus près du ballon, pour tout voir. » Cela lui vaut d’être élu cinq fois meilleur arbitre de France, d’officier lors de deux finales de Coupe d’Europe (1976 et 1977), d’une phase finale de Coupe du monde (1978) et de deux Euros (1976 et 1980).
Mais cela offre surtout au public des scènes d’anthologie. Comme lorsqu’il déborde d’un sprint dévastateur les ailiers eux-mêmes en train de déborder ! Ajoutez à cela une attitude grand-guignolesque et des gestes incontrôlés et voilà comment les Brésiliens lui dénichent, en 1974, le surnom de Nijinski du sifflet : « C’était un Brésil-Roumanie (2-0), il ne se passait pas grand-chose. Alors j’ai fait le show. À la fin, c’est vers moi que la trentaine de journalistes a accouru. »
Né d’un père clarinettiste à l’opéra de Strasbourg et d’une mère soprano, le surnom lui convient : « Mes parents m’ont empêché de faire comme eux. Le terrain de foot est donc devenu mon théâtre. J’ai toujours considéré que j’étais un chef d’orchestre au service d’un ballet. À une époque où on disait qu’un bon arbitre est un arbitre qu’on ne voit pas, cela a surpris. »
Face à Guy Roux
Mais son extravagance plaît. Elle lui permet surtout « d’apaiser les tensions ». Comme lors de ce PSG-Auxerre de 1989 où il implore Guy Roux de regagner son banc, à genoux, les mains jointes. L’entraîneur lui fait alors face dans la même posture. « L’image de ma carrière », résume-t-il avec ce fort accent alsacien « qui faisait très couleur locale pour Intervilles », mais a sans doute freiné les producteurs pour en faire un consultant télé.
Bien sûr, il y a eu quelques ratés. La finale de la Coupe de France 1973. Lors de ce « match au parc des Princes arbitré par le prince des arbitres », dixit Léon Zitrone, Wurtz ne voit pas la déviation de la main de Bernard Lacombe. Lyon l’emporte face à Nantes. « Ce soir, c’est Ray Charles qui arbitrait », lâche Didier Couécou. S’en suit une quasi-dépression : « J’ai traversé les Alpes à vélo pour oublier et j’ai mis cinq mois à remonter la pente. » Pas de quoi cependant le convaincre de la pertinence de l’arbitrage vidéo : « Ce serait la fin de ce sport en tant qu’aventure humaine. Le foot robotisé ne me plaît pas. » Pas plus que ses successeurs, qu’il trouve forcément fades : « Je suis un dinosaure de l’arbitrage et il est probablement plus difficile d’arbitrer aujourd’hui. Mais pour gagner le respect, il faut de la personnalité. Les instances ne leur laissent pas l’occasion de la manifester. Elles en font des clones. » Le problème, c’est qu’on a bien peur qu’il n’y ait qu’un Robert Wurtz !
Source : LE RÉPUBLICAIN LORRAIN