Publié le 21/12/2014 - Le match entre Richelieu et La Chaussée-Saint-Victor du 14 décembre a été arrêté pour propos racistes. Cas isolé ou symbole d’une dérive dans le football ?
Coups, menaces, insultes : le ballon ne tourne plus rond....
C'était il y a neuf mois. Hugo (*) se souvient pourtant de chaque détail. Ce dimanche de mars, le jeune homme de 25 ans arbitre un match de 1re division départementale entre les Portugais de Blois et Ouzouer-le-Marché. Il reste une minute à jouer.
« Je siffle un coup franc pour Blois. Un joueur adverse se met devant le ballon. Le capitaine de Blois s'agace. Carton jaune. Son deuxième de la partie. Énervé, il m'a alors giflé. »
Hugo hésite moins d'une seconde. Il arrête la rencontre, rédige un rapport et porte plainte. Son agresseur sera suspendu quatre ans et condamné à verser une amende.
L'histoire d'Hugo n'est pas un cas isolé. Elle résonne avec ce qu'il s'est passé dimanche dernier, dans le sud-ouest de l'Indre-et-Loire, lors d'une rencontre de Promotion d'honneur entre Richelieu et La Chaussée-Saint-Victor. Se plaignant de propos racistes venant d'au moins un spectateur, un arbitre assistant a jeté son drapeau et quitté le terrain. Arrêté, le match n'a pas repris.
Ne surtout pas banaliser
« L'arbitre avait l'air outré, raconte Elhadj Salah Brahim, entraîneur de La Chaussée-Saint-Victor. Il a dit qu'il ne pouvait pas continuer dans ces conditions. Il a pris la bonne décision. Certaines choses ne doivent pas être banalisées. »
Elhadj Salah Brahim assure n'avoir « jamais eu peur sur un terrain de football ». Il concède toutefois avoir « vécu des rencontres qui auraient pu basculer dans une grande violence ». Tension symptomatique d'une société crispée ? « Peut-être. Pour certains, le match du dimanche est un défouloir. »
« Cela devient infernal », estime le président du district du Loir-et-Cher, Jean-Claude Péré, qui dénonce « les pressions exercées sur les arbitres et les équipes adverses ». Les propos racistes, aussi. « Il y a quarante ans, quand je jouais au football, c'était plus calme. »
Les faits graves restent toutefois rares. Sur 2.000 matchs joués chaque saison dans le département, seuls deux, en moyenne, sont arrêtés.
« Cette saison, ce sera plus, prévient Jean-Marc Sauvé, président de la commission de discipline. En trois mois de compétition, nous en sommes déjà à deux. Et quatre joueurs ont été suspendus pour intimidations physiques sur l'arbitre. Ils ont pris dix matchs. »
(*) Le prénom a été modifié pour protéger l'anonymat de la personne.
repères
Y a-t-il des matchs risqués ici ?
En moyenne, le dimanche, 100 matchs de football se jouent sur les terrains du Loir-et-Cher. Chaque semaine, entre huit et dix sont signalés à la préfecture comme étant risqués. Il revient alors à la gendarmerie et à la police de patrouiller pour dissuader d'éventuels comportements violents. « Si on ne le fait pas, on nous le reproche. Et si on le fait, c'est pris comme de la provocation, déplore Jean-Marc Sauvé, président de la commission de discipline du Loir-et-Cher. On a un moyen de pression sur les joueurs, avec une menace de suspension, mais on ne l'a pas avec les spectateurs. » Et impossible de placer des forces de l'ordre en permanence au bord des terrains.
réaction
Lui aussi a été victime de racisme
Nabil, 25 ans, est gardien de but de l'équipe réserve de Blois AFC, invaincue, cette saison, en 1re division départementale. Pour lui, « le football est avant tout un plaisir ». Il ne vient « pas le dimanche pour se prendre la tête ». De son poste de gardien, il entend pourtant régulièrement des propos difficiles. Souvent des moqueries. Parfois des insultes. Rarement du racisme. Mais ça arrive. Un peu partout dans le département. « Une fois, j'ai enlevé mon maillot et quitté le terrain, se souvient-il. Si c'était à refaire, je recommencerais. On ne peut pas laisser passer de tels propos. Si les gens réagissaient plus fortement et plus souvent, il y aurait peut-être moins de racisme. »
Réjouissant
« Certaines choses ne doivent pas être banalisées », appuie un entraîneur, face à la décision d'un arbitre d'arrêter un match de football. Des propos, des gestes… des cas isolés. On peut se demander si le ballon tourne encore rond, mais on se rassure en constatant que les arbitres veillent (lire ci-contre). Il ne faudrait pas, en effet, que cette violence devienne banale. On ne sait que trop qu'il n'y a qu'un pas entre le banal et le normal… l'actualité nous le rappelle sans cesse. Quoi que ! La récente visite à Chambord du président " normal " était pourtant peu " banale " puisqu'elle se voulait discrète. Des indiscrétions en ont voulu, elles, autrement. Mais on n'aura pas su ce que visait le plan de com'… Seule chose dont on soit sûr dans cette sémantique d'actualité : aujourd'hui, c'est l'hiver et ça, c'est normal et banal, chaque année au moment du solstice. Désormais, les jours rallongent. Presque réjouissant !
Source : LA NOUVELLE REPUBLIQUE