Ils sont les meilleurs de la planète mais les arbitres italiens ont le métier le plus dur du monde
Les arbitres italiens sont reconnus sur la scène internationale. En Italie pourtant, on ne leur laisse rien passer et ils sont scrutés au peigne fin à chaque sortie. Analyse.
Paolo Tagliavento, Nicola Rizzoli, Luca Banti, Gianluca Rocchi, Antonio Damato, etc. des noms et des visages parfaitement connus par les supporters italiens. Mais qui sont-ils ? Des joueurs ? Des dirigeants ? Des entraineurs ? Non, des arbitres ! C'est qu'en Italie plus qu'ailleurs, les hommes en noir (ou plutôt, en jaune, violet et bleu fluo) sont une véritable obsession pour le reste du monde du foot, l'opinion publique et la presse. Alibi tout trouvé pour justifier les faillites collectives, individuelles et pas toujours footballistiques, les arbitres italiens sont constamment sous le feu des projecteurs subissant une pression intenable qu'on ne souhaiterait même pas à notre pire ennemi.
Bulletin de notes, appréciations et réunion parents-profs ?
La presse racoleuse envers les arbitres n'est évidemment pas une exclusivité italienne, mais la fameuse "moviola", oui. Inhérente à tous les quotidiens sportifs et émissions footballistiques depuis plus d'un demi-siècle, elle consiste à analyser minutieusement les décisions arbitrales de toutes les rencontres. Ce qui peut être ludique pour un derby milanais, mais franchement ennuyeux pour un Chievo-Empoli. Elle prend ainsi le pas sur des débats bien plus constructifs et est par ailleurs volontiers orientée selon la provenance de l'organe de presse. En effet, on trouve souvent des conclusions différentes entre celle du Corriere dello Sport romain, de la Gazzetta dello Sport milanaise ou du Tuttosport turinois, vous avez dit démagogie ?
Mais ce n'est pas fini, les quotidiens (sportifs ou non) distribuent également les bons points car si les joueurs sont notés, arbitres, juges de lignes et même de surface ont également le droit à leur bulletin scolaire. C'est d’ailleurs souvent la première chose à laquelle on pense, à la télé, il n'est pas rare de voir les "highlights" des rencontres se terminer par trois choses : le meilleur joueur, le moins bon et... la note de l'arbitre. A quand une appréciation pour le quatrième arbitre afin de savoir s'il a bien annoncé les changements et les arrêts de jeu ?
Autre exemple symptomatique de cette mentalité particulière et malsaine (ou plutôt particulièrement malsaine) : les désignations arbitrales. Alors qu'elles passent inaperçues dans la plupart des pays, elles sont annoncées en breaking news à la télé italienne. De suite, journaux et sites internet s'empressent d'analyser les antécédents des hommes en noir contre chaque club (bilan, penaltys, expulsions). D'ailleurs la façon de désigner les arbitres est un sujet qui fait régulièrement débat : tirage au sort intégral ? partiel ? désignation subjective ? Et pour cette dernière solution (l'actuelle), qui occupera ce rôle de fameux "designatore" ? Un thème qui serait ennuyeux pour le reste du monde mais qui passionne en Italie…
La meilleure école au monde
Une obsession paradoxale quand on sait combien les arbitres italiens sont appréciés à l’international. Pas plus tard qu'il y a trois mois, c'est l'un d'entre eux qui a officié lors de la finale de la Coupe du monde. Nicola Rizzoli (et ses assistants) ayant rendu une copie propre, il a succédé à inénarrable Pierluigi Collina qui était de la partie en 2002. Un personnage hors du commun qui a popularisé la figure de l'arbitre.
Depuis 1978, ce ne sont pas moins de trois finales mondiales qui ont été dirigées par des italiens en 10 éditions dont trois où la Squadra Azzurra était présente barrant ainsi la route à un sifflet transalpin. Récemment, Rizzoli a également arbitré la finale de la Ligue des champions 2013 tandis que Roberto Rosetti fut désigné pour celle de l'Euro 2008. Une école très appréciée par l'UEFA et la FIFA mais malheureusement moins par les Italiens.
Aucun problème de discipline contrairement à ce qu’on pense
Vous nous direz que les scandales de la dernière décennie justifient la suspicion des supporters et de la presse. On vous répondra que non. Le fameux Calciopoli - dont on attend encore le verdict final huit ans après ses débuts - est surtout une affaire de panier de crabes et de crocodiles de marigot. Nul besoin de la sentence définitive, justices sportive et ordinaire ont statué depuis bien longtemps qu'aucun match n'avait été truqué et que le championnat concerné était parfaitement régulier. Ce qui sauve la position des arbitres injustement inculpés puis disculpés un à un mais parfois trop tard pour reprendre leur carrière (ils ne sont plus que trois encore en lice dans ce procès sur une quinzaine au départ).
Quant au Calcioscommesse, il s'agit de petits arrangements entre joueurs. Contrairement aux idées reçues, les hommes en noir s'en sortent indemnes et ne trainent pas dans les affaires de corruption. Reste la fameuse "sudditanza psicologica", que l'on peut traduire par "soumission psychologique", envers les Top clubs, notamment les trois noirs rayés nordistes, il parait que l'on siffle plus difficilement en leur défaveur. Ça reste mathématiquement à prouver et en ce sens l'arbitrage vidéo serait le bienvenu pour démontrer que son application ne chamboulerait pas la hiérarchie séculaire du football italien.
A l'aube d'un nouveau duel entre la Juventus et la Roma, vous pouvez être certains que l’œuvre des arbitres sera passée au peigne fin. Déjà l'an passé et malgré le gouffre de 17 points qui séparait les équipes au terme de la saison, les polémiques sont allées bon train. C'est Gianluca Rocchi qui a été désigné pour le choc de dimanche. Joueurs, dirigeants, journalistes et supporters sont déjà prêts à lui tomber dessus en cas d’erreur(s) et évidemment de totalement l’ignorer s’il fait un sans-faute.
Source : EUROSPORT